Le dernier World Happiness Report classe Singapour à la 30ème position au niveau mondial, mais premier en Asie pour les années 2021-2023. Mais que cela veut-il dire ?
Ce classement est effectué chaque année sur la base de l’indice Life evaluation établi chaque année par Gallup, grand cabinet de consulting américain, notamment spécialisé dans les sondages. C’est un indice totalement subjectif : on demande aux personnes interrogées d’évaluer leur vie actuelle sur une échelle de 0 à 10, 10 étant la meilleure vie possible et 0 la pire. Dans chaque pays, un échantillon représentatif d’un millier de personnes de plus de 15 ans est interrogé et les réponses sont lissées sur trois ans. Le classement qui vient d’être publié reflète donc la moyenne des résultats pour les années 2021 à 2023.
Le classement résultant démontre la subjectivité de la démarche. Si la présence des pays scandinaves dans les premiers rangs n’est pas surprenante, la place d’autres pays comme par exemple Israël, le Kosovo, ou le Mexique peuvent surprendre, quand on connait leur situation . Le contexte culturel (dans certains pays, on a plutôt tendance à voir le verre à moitié plein plutôt qu’á moitié vide ou vice versa) et historique (toutes choses égales par ailleurs, les habitants des pays dont la situation s’améliore s’estiment sans doute plus heureux que ceux dont la situation se dégrade) y joue sans doute pour beaucoup. L’esprit traditionnellement râleur des Français explique probablement en partie la place de la France en queue des pays francophones. Remarquons aussi que les écarts entre pays sont souvent faibles, sans doute inférieurs aux intervalles d’incertitude : dans ce cadre, on peut mettre dans la même catégorie les 7 pays d’Asie qui suivent Singapour et Taiwan.
Est-ce à dire qu’il faut tout à fait oublier ce classement ?
En fait, au-delà de ce classement brut, le rapport mène une série d’analyses pour essayer de lier ces résultats à d’autres paramètres objectifs (le PNB par habitant recensé par la Banque Mondiale et l’espérance de vie en bonne santé recensée par l’Organisation Mondiale de la Santé) et subjectifs, résultant de sondages de Gallup (support des amis et des parents, liberté de choisir sa vie, générosité, perception de la corruption, …). Il en ressort que le classement global est plus lié aux paramètres subjectifs et très peu aux paramètres objectifs, ce qui n’est finalement pas très surprenant.
Un autre axe est l’analyse par classe d’âge. Dans beaucoup de pays développés, dont la France et Singapour, les jeunes de moins de 30 ans s’estiment moins heureux que leurs ainés, particulièrement la tranche 30-60 ans. Là aussi, rien de surprenant, compte tenu du climat d’incertitude actuel par rapport au passé. En revanche, il n’y a pas d’écarts significatifs entre hommes et femmes.
Enfin, l’analyse des tendances dans le temps sur les quinze dernières années révèle une grande stabilité au niveau mondial, comme au niveau de Singapour, et plus généralement l’Asie du Sud-Est. Mais l’Europe de l’Est et l’Extrême-Orient enregistrent des augmentions significatives (~ +1), tandis que l’Asie du Sud enregistre une diminution significative (~-1).
Au bout du compte ce rapport, qui fait grand bruit et doit couter cher, ne révèle pas beaucoup de surprise. Mais le bonheur n’est-il pas après tout le résultat d’une attitude plus que de l’environnement ?